La construction de la Batterie de la Pointe

Mise à jour juillet 2024 – P. Baratault

Comme cela est indiqué page  « Des fortifications à Palaiseau pourquoi ? », ce n’est qu’après paiement de la dette de guerre qu’ont pu démarrer les travaux de construction. Les États-majors s’y étaient préparés bien avant et c’est dès septembre 1874 qu’ont été donnés les premiers coups de pioches. En 1879, l’essentiel des travaux avait été mené à bien mais au fil du temps divers compléments ou adaptations seront apportés. Ainsi dans ce qui suit on distingue quatre grandes phases :

  • Construction initiale  de 1874 à 1879
  • Aménagements avant la première guerre mondiale
  • Aménagements durant la Grande Guerre
  • Aménagements après la seconde guerre mondiale

Construction initiale  1874 – 1879

Les travaux sont conduits par le Génie militaire sous la férule du Général Séré de Rivières qui assure la cohérence et une standardisation des fortifications de l’après guerre de 1870. Les plans d’exécution sont dressés dans les bureaux du Génie, souvent sous la responsabilité directe de polytechniciens. Ils permettent le lancement d’appels d’offres  auprès d’entreprises de construction puis  le suivi et contrôle des travaux qui leur sont commandés. Ces plans dûment signés par l’entrepreneur et un capitaine du Génie sont conservés en archives militaires. Dans un « Registre d’attachements » de cinquante pages on peut suivre leur évolution de 1874 à 1900 (documentation Attila).

Registre d'attachement
Registre d’attachement
Plan des acquisitions de terrains pour les Batteries de l'Yvette et de la Pointe avec chemin dit "couvert" entre elles
Plan d’acquisition des terrains
Plan d'origine des casernements
Plan d’origine des casernements

Les travaux

Il a fallu tout d’abord acquérir les terrains. Pour les Batterie de la Pointe et de l’Yvette  et le « chemin couvert » les reliant, ce sont 90 terrains qui ont été achetés. Le domaine militaire a été précisément délimité par des bornes numérotées. On en  retrouve aujourd’hui encore un bon nombre. Voir pour cela la page  « Bornages« .

Dès 1874, les terrassements ont pu commencer. On peut se faire avec le plan ci-après une idée de leur ampleur et de la précision avec laquelle ils étaient spécifiés :

Pan de terrassement d'un fossé
Pan de terrassement d’un fossé

Les outils de base étaient alors la pioche, la pelle et la brouette. On en a l’illustration avec la série de photos de la construction du fort de Palaiseau en 1879 (collection privée). Une partie de ces terrassements a été effectuée par des hommes de troupe.

Si là encore la troupe est intervenue, les travaux de maçonnerie ont pour la plupart été commandés à des entreprises. Il leur a été nécessaire de faire venir des ouvriers de toute la France et on a même employé des repris de justice. La population de Palaiseau alors voisine de 2 000 habitants a durant ces cinq années pratiquement doublé.

Le coût des travaux  a alors été évalué à 626 096 francs et l’acquisition des parcelles de terrain à 27 444 francs. Par comparaison, le coût du fort de Palaiseau (l’un des plus vastes alors construits en région parisienne) et de ses deux batteries aura été de 5,45 millions de francs sachant que simultanément auront été construits en France 166 forts, 250 batteries et 43 autres ouvrages dont 19 forts, 41 batteries et 4 redoutes autour de Paris et ce pour un montant global de 450 millions de francs. La conversion des francs or de l’époque en euros d’aujourd’hui pourrait prêter à controverses. On se limitera ici à une simple comparaison : en flux annuel cette dépense représentait à l’époque environ 0,7 % d’un budget dépenses annuelles de 13 milliards de francs. C’est dans l’ordre de grandeur de ce que consacre aujourd’hui la France à sa force de frappe (estimation 2,5 milliards d’euros pour un budget de 300 milliards d’euros soit 0,8 % ).

 

Coût Batterie de la Pointe
Coût Batterie de la Pointe

Aménagements avant la première guerre mondiale;

De 1878 à 1900, le « Registre d’attachements » fait état d’un certain nombre d’aménagements par rapport aux plans initiaux. Les plus marquants sont relatifs aux accès avec la mise en place d’un pont de franchissement du fossé, aux circulations intérieures avec galerie reliant les coffres de contrescarpes au centre de vie, l’écoulement des eaux pluviales ou encore le renforcement des maçonneries de contrescarpe.

Pont de franchissement du fossé

Dans la version initiale de la Batterie (plan ci-après), les accès aux casernements et plateformes de tir se faisaient en passant par des plans inclinés à forte pente.Ainsi, en venant de l’extérieur il fallait d’abord descendre dans le fossé en partant de la droite de l’actuel portail (on constate aujourd’hui encore le décrochement de la contrescarpe maçonnée que cela permettait). Il fallait ensuite traverser le fossé, remonter vers la cour centrale et de là se rendre par de nouvelles pentes vers les plateformes de tir avant de hisser l’artillerie sur ses « barbettes » (talus aménagés d’où seul dépassait le fût du canon). Il n’y avait pas de chevaux à la Batterie. C’est la « troupe » qui avec force leviers et cales effectuait ces opérations.

Plan initial de la Batterie de la Pointe
Plan initial de la Batterie de la Pointe

La mise en place d’un pont de franchissement du fossé fut rapidement décidée. Les principes de construction furent ceux du moment : piles et culées maçonnées en meulières, structure métallique à base de poutres rivetées  façon Eiffel et tablier en chêne. Par la suite furent mis en place des trottoirs. Pendant un siècle ce pont remplit parfaitement sa fonction mais faute d’entretien régulier, il s’est dégradé puis à l’achat du site par la Ville était devenu inutilisable. Le passage par le fossé fut rétabli par mise en place d’un escalier principalement pour permettre aux Services de Sécurité Incendie et Assistance à Personnes d’assurer la maintenance d’un relais radio installé dans une ancienne « traverse » (abri pour position de tir canon).

La réfection de ce pont a donné lieu à une longue histoire relatée page adpp.info/batterie-de-la-pointe/refection-du-pont/

Galeries d’accès aux coffres de contrescarpe

Dans la version initiale, l’accès à ces coffres qui permettent d’interdire à un ennemi un passage par le fossé se faisait à découvert en passant par ce fossé. Dès 1878 il fut décidé de mettre en place sous les contrescarpes des galeries maçonnées permettant de circuler à l’abri des vues et des tirs. Ces galeries furent raccordées aux casernes et magasins par un tunnel maçonné passant sous le fossé (plan ci-après).

Tunnel de raccordement des galeries de contrescarpe aux casernes
Tunnel de raccordement des galeries de contrescarpe aux casernes

Ces galeries, uniques en leur genre pour les fortifications de cette époque, sont en excellent état de conservation et sont particulièrement emblématiques de la Batterie de la Pointe.

Évacuation des eaux de pluie depuis les fossés

Même si la nature du sol (sables de Fontainebleau) permet une infiltration des eaux de pluie vers une nappe phréatique une quarantaine de mètres plus bas, il fut décidé dès 1878 d’accélérer leur évacuation par mise en place d’un puits perdu à l’extérieur  des contrescarpes dans leur angle sud-est. Le plan ci après témoigne du soin apporté à sa réalisation.

Puits perdu pour eaux des fossés
Puits perdu pour eaux des fossés

Renforcements des contrescarpes

Au fil du temps des faiblesses se manifestèrent aux niveaux des maçonneries de contrescarpes. Des travaux de consolidation furent jusqu’en 1900 conduits. On e a un exemple avec le plan ci-après.

Renforcement des contrescarpes
Renforcement des contrescarpes

Après 1900, ces fortifications Séré de Rivières  étant  trop vulnérables et leur renforcement en région parisienne par du béton armé étant jugé trop coûteux, leurs fonctions ont été réduites à celles de casernements ou dépôts de munitions pour des batteries de canons qui seraient dispersées dans le voisinage.Seul un entretien courant a été assuré.

Aménagements durant la Grande Guerre

Comme cela avait été prévu par les états-majors depuis 1900, les fortifications Séré de Rivières autour de Paris ne servirent que pour l’hébergement des troupes pendant leurs périodes de repos et le magasinage de munitions aux profit de batteries de campagne constituées à partir de l’artillerie des fortifications et soigneusement réparties autour de Paris pour former ce que l’on appelait alors le Camp retranché de Paris. Son organisation au voisinage de Palaiseau est rapportée page adpp.info/batterie-de-la-pointe/camp-retranche-de-paris/

Le seul aménagement d’importance apporté à la Batterie de la Pointe fut la mise en place en bordure extérieure côté nord de quatre positions  de DCA (Défense Contre Aéronefs). Le but initial avait été de contrer lez ballons Zepplin susceptibles de bombarder Paris puis, avec des chances de succès très aléatoires les avions de bombardement qui pouvaient disposer d’une autonomie suffisante pour atteindre Paris et en revenir. Quatre cuves bétonnées ont été alors construites pour permettre une rotation aisée et un pointage des célèbres canons de 75 du moment. Deux de ces cuves sont toujours visibles et permettent de se donner une idée de ce qu’a pu être l’installation. On en trouve une description plus détaillée à la page adpp.info/batterie-de-la-pointe/camp-retranche-de-paris/

Aménagements après la seconde guerre mondiale

La Grande Guerre avait confirmé que les fortifications Séré de Rivières autour de Paris ne présentaient plus d’intérêt militaire. Les occupants durant la seconde guerre mondiale ne les utilisèrent d’ailleurs que pour y entreposer des munitions. Le fort de Palaiseau en garde des traces puisqu’ils firent exploser ces munitions lors de leur départ. Ainsi dès la fin de la guerre ces fortifications furent déclassées et tout en restant dans le domaine militaire furent affectées à de grands Services de l’État. Pour Palaiseau ce fut pour le fort au bénéfice de l’ONERA, nouvel Office pour Recherches Aéronautiques, pour la Batterie de l’Yvette ce fut au bénéfice du Service Technique des Télécommunications de l’Armée de l’air et pour la Batterie de la Pointe au bénéfice du CNET, Centre National d’Études des Télécommunications. Il s’y installa à partir du 1er avril 1947 pour y mener des travaux d’études portant en particulier sur les traitements acoustiques.

Les premiers aménagements portèrent sur la mise en place de laboratoires dans trois des casernements et dans l’une des traverses, le premier casernement étant réservé au logement d’un gardien et de sa famille. Le confort était des plus sommaires et la place manquait. Il fut donc décidé de construire en partie supérieure et entre les traverses centrales un premier bâtiment pourvu de sanitaires  pour affectation à des bureaux d’études  puis un second entre les traverses 1 et 2. Pour cela il fallut repousser dans les fossés les « barbettes » (talus de terre protégeant les canons) dans les fossés. Un troisième bâtiment, plus léger, fut installé entre les traverses 6 et 7 pour abriter une cage de Faraday et des appareils de mesures en liens avec une base d’essais d’antennes extérieure montée au dessus de la traverse 6. Il fut aussi installé en 1958 dans l’ancienne citerne une chambre sourde pour essais acoustiques de 8,5×6 m  et une  plus petite avec trois salles de mesures. Ceci nécessita un puissant dispositif d’aération.

Chambre sourde - état actuel
Chambre sourde – état actuel
Chambre sourde - Plan
Chambre sourde – Plan

 

 

 

 

 

 

 

 

Les lois de décentralisation de janvier 1968 ont pour conséquence le transfert des activités CNET de Palaiseau à Lannion en Bretagne. Ce sera chose faite en septembre 1969. Les équipements sont déménagés mais les installations restent en l’état. Les bureaux construits en partie supérieure sont occupés par le Service Général du Génie, Arrondissement spécial construction de l’école Polytechnique, ce qui permet de maintenir un gardiennage mais les casernements, traverses et galeries sont laissées à l’abandon, souvent encombrés d’équipements obsolètes. L’abandon du site par l’Armée et sa mise en vente sont décidés en i984. La planche ci-dessous illustre l’état des lieux en 1987. Les bâtiments 2 et 3 sont encore dans un état acceptable mais le vandalisme les dégradera rapidement et la végétation faute d’entretien régulier devient partout ailleurs de plus en plus envahissante.

État des lieux en 1987
État des lieux en 1987

Ce n’est qu’après l’achat du site par la Ville en 1999 qu’une clôture sera mise en place et que le vandalisme pourra être freiné. Une présence périodique sera assurée par le Service de Sécurité Incendies et Assistance à Personnes de l’Essonne qui met en place Traverse 5 un relais de communications sécurisées avec son antenne et assure sa maintenance. On lui devra la réalisation d’un escalier permettant l’accès au fossé quand il s’avérera que le pont d’origine était devenu impraticable. Ce seront les derniers aménagements d’importance du site.

L’état dans lequel se trouvait la Batterie au démarrage des chantiers d’insertion en 2008 est illustré dans le document au format pdf que l’on peut télécharger en cliquant sur le lien suivant : État de la Batterie de la Pointe en 2008