Des fortifications à Palaiseau : Pourquoi ?
Mise à jour juillet 2024 – P. Baratault
La mise en place de fortifications à Palaiseau après la guerre de 1870 a donné lieu à de multiples études puis débats. On en rappelle dans cette page les principaux traits.
Pendant les années qui suivent la défaite de 1870 puis les traités de Versailles et de Francfort (mai 1871), l’Allemagne occupe une partie du territoire national en gage de l’indemnité de guerre de 5 milliards de francs or que la France doit payer. On ne peut réarmer la zone occupée mais d’intenses travaux d’état-major sont menés pour s’y préparer. Le 3 mars 1874 l’indemnité est réglée (les emprunts nationaux et internationaux lancés ont été largement couverts). Dès le 27 mars la loi « Les nouveaux forts de Paris« est votée. Des enseignements de la guerre de 1870 et du siège de Paris, on a retenu la nécessité de construire une nouvelle ligne de forts à une vingtaine de kilomètres de Paris. Dans ce cadre, décision est prise d’implanter en extrémité Est du plateau de Palaiseau sur la rive droite de la Bièvre un Fort dit de 1er ordre complété par deux Batteries. Cela n’aura pas été sans débats animés à l’Assemblée Nationale.
Les enseignements tirés de la guerre de 1870 et du siège de Paris
Les principaux constats ont été les suivants :
- Les voies de communication par les vallées de la Marne et de l’Oise (chemins de fer notamment) ont permis une concentration rapide des troupes prussiennes autour de Paris puis leur approvisionnement.
- La proximité de Paris des forts dits « détachés » (Issy, Vanves, Montrouge…) devant assurer avec l’enceinte de Thiers (1841-1846) sa protection et la portée limitée de leurs armements a permis à l’ennemi prussien d’établir une ligne d’investissement (encerclement de la ville) suffisamment réduite pour être tenue de façon continue. Les tentatives de sorties (Champigny, Buzenval) ont échoué.
- Depuis les plateaux du sud parisien, l’artillerie prussienne, plus précise (canons rayés) et à plus grande portée que l’artillerie des forts détachés a pu les pilonner ainsi que les « fortifs » de Thiers et la moitié sud de Paris.
- Les tentatives d’approvisionnement et secours par le Sud (Armée de la Loire) ont échoué.
- Les troupes cantonnées dans Paris ont fraternisé avec la population.
Les dispositions prises (Loi du 27 mars 1874)
Les principales orientations ont été les suivantes :
- Mise en place immédiate de trois « camps retranchés » à 20-25 km de Paris. Chacun de ces camps comporte en ses extrémités et sur des points hauts des forts de 1er ordre dotés d’une artillerie puissante avec casernements pour 1500 hommes. Pour contrer leur éventuel encerclement, on dispose entre ces forts de 1er ordre des forts de 2e ordre (850 hommes) se protégeant mutuellement. Depuis ces camps retranchés pourront être menées des opérations offensives.
- Les camps retranchés Nord et Est permettent de contrôler des voies d’accès par l’Oise et par la Marne et assurent la protection de la ville de Saint Denis dont le fort est vulnérable.
- Le camp retranché Sud-Ouest permet d’interdire à un ennemi l’occupation des plateaux à partir desquels il pourrait pilonner Paris, de contrôler les voies de communications vers le Sud et il assure la protection de Versailles.
- On vise de cette façon à forcer l’ennemi à étirer sa ligne d’investissement (près de 160 km à occuper) pour pouvoir la percer plus facilement. On dispose ainsi de suffisamment de place pour cantonner et entraîner d’importantes troupes en dehors de l’enceinte de Paris en limitant les contacts avec la population. Autre argument, les surfaces arables de bonne qualité qui resteront sous contrôle seront notablement augmentées et contribueront à réduire le risque de famine connu en 1870 alors que l’ennemi sera rejeté vers des zones moins fertiles.
Le Camp retranché Sud-Ouest
Tel que prévu par la Loi du 27 mars 1874, il comporte :
- Deux forts de 1er ordre implantés à Palaiseau et à St Cyr ayant des capacités offensives.
- Deux forts de 2e ordre implantés au Haut Buc et à Villeras. Un troisième est prévu à Champlan sur la Butte Chaumont mais placé en 2ème urgence il ne sera pas construit.
- Trois Batteries, les Batteries de l’Yvette et de la Pointe rattachées au fort de Palaiseau et la Batterie de Bouviers rattachée au fort de St Cyr permettent de contrôler les grandes voies de circulation.
- En retrait le fort de Chatillon avec le « Réduit de Verrières » et ses cinq Batteries, dont une à Igny et une à Bièvres doivent assurer la protection du flanc gauche du camp retranché.
- Les positions rattachées du fort du Trou d’Enfer (Marly le Roi) et du fort Sainte Jamme (non construit) doivent assurer la protection du flanc droit du camp retranché et celle de Versailles.
La position du fort de 1er ordre à Palaiseau fera l’objet de longs débats à l’Assemblée Nationale, la question débattue étant « doit-on placer ce fort à Palaiseau sur la rive droite de la Bièvre comme proposé par la Commission de l’Armée avec le risque d’un encerclement ennemi par la vallée ou bien le placer sur la rive gauche avec dans ce cas la difficulté de déploiement des troupes du fort vers le plateau car elles auraient alors la vallée à traverser et le coteau à remonter sous les feux ennemis ? »
Prendront une part active à ces débats notamment MM Adolphe Thiers, Jules de Lasteyrie, le colonel Denfert Rochereau….
C’est la volonté de protéger le chemin de fer de la Grande Ceinture Stratégique que l’on prévoit de construire dans la vallée (maintenant notre RER C) et par là même de protéger un accès à Versailles qui l’emportera et fera que le fort de 1er ordre restera, comme proposé par la Commission de l’Armée, sur la rive droite de la Bièvre à Palaiseau.
Diaporama « Conséquences de la guerre de 1870 en Île de France Sud »
Ce diaporama a été réalisé dans le cadre du forum-colloque de la Société Historique et Archéologique de l’Essonne et du Hurepoix tenu le 21 mai 2022 à Palaiseau. Il y est exposé en 18 planches quelles conséquences ont été tirées de l’encerclement de Paris lors de cette guère et comment cela s’est traduit à Palaiseau.
Diaporama au format pdf : Diaporama conséquences 1870